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Coup de cœur « minute » – « Minnie Riperton : Lovin you » (1975) par la médiathèque de Saint-Médard-en-Jalles

Retour sur la vie et la carrière musicale de Minnie Riperton.

 

Minnie Riperton naît le 8 novembre 1947 dans le sud de Chicago. Elle passe sa jeunesse sur Woodlawn Avenue où, en parallèle de ses études, elle suit une formation de danseuse de ballet puis de chanteuse classique. Raynard Miner, pianiste aveugle, la repère alors qu’elle chante dans la chorale de son lycée. Son exceptionnelle voix soprano qui s’étale sur cinq octaves attire immédiatement son oreille avertie. Il lui propose de rejoindre son groupe The Gems qui travaille pour Chess Records. Entre 1964 et 1965, elle enregistre avec le groupe The Gems quelques singles.

Minnie Riperton est alors aussi choriste pour d’autres artistes comme : The Dells, Fontella Bass, Etta James, Sugar Pie DeSanto, Terry Callier ou Ray Charles. En 1966, sous le pseudonyme d’Andrea Davis, elle enregistre le single « Lonely girl » / « You gave me soul » qui obtient un succès local. Son talent est évident et Chess Records ne la lâche pas. En 1967, elle intègre la formation Rotary Connection. Il s’agit d’une formation mixte, hommes et femmes, blancs et noirs. Minnie Riperton, la chanteuse blanche Judy Hauff et le chanteur africain-américain Sidney Barnes en sont les trois voix. Les musiciens blancs du groupe Proper Strangers (Bobby Simms, Mitch Aliotta et Ken Venegas) complètent cette formation. C’est enfin le producteur africain-américain Charles Stepney qui dirige ce projet ambitieux. Cinq albums sont produits entre 1967 et 1969.

Malgré toutes leurs qualités, Rotary Connection ne parvient pas à s’imposer sur la scène du rock psychédélique, dominée par les formations californiennes. De plus, plombé par la décision malheureuse de ne pas participer, bien qu’invité, au festival Woodstock, le groupe se sépare au début des années 1970.

Durant cette période, Minnie Riperton rencontre son futur mari, Richard Rudolph, un musicien blanc. Avec lui et le producteur Charles Stepney, elle travaille en 1969 sur son premier album en solo « Come to my garden » qui parait en 1970. Ce disque propose un mélange de soul, jazz et musique classique. Malheureusement, Chess Records vient d’être racheté par GRT (firme californienne qui fabrique des bandes magnétiques). Dans cet entre-deux éditorial incertain, ce disque, étonnant, passe inaperçu.

À la charnière des années 1960 et 1970, le climat à Chicago, comme partout en Amérique, est explosif. Les tensions sociales/raciales sont palpables et le couple mixte formé par Minnie Riperton (noire) et Richard Rudolph (blanc) s’attire remarques et menaces fréquentes. Fin 1970, Angela Davis est recherchée par toutes les polices du pays. Minnie Riperton qui, comme elle, arbore une coupe de cheveux « afro », est arrêtée par la police arme au poing.

À l’été 1971, le couple avec son jeune fils Marc, embarque dans son van Ford Econoline et quitte la ville pour une vie plus sereine vers le sud. New York est leur première étape puis le couple poursuit son périple vers le soleil de Floride à Gainesville. Pour 160$ par mois, ils y louent une belle maison, s’achètent un matelas à eau et savourent l’arrivée de leur deuxième enfant, Maya, en 1972. La vie est douce et Minnie Riperton a presque oublié qu’elle était autrefois chanteuse professionnelle.

En 1973, Steve Slutzah, employé pour Epic Records, retrouve la trace de Minnie Riperton en Floride et lui propose immédiatement un contrat. En contrat avec Motown, Stevie Wonder utilise le pseudonyme « El Toro Negro » (le taureau noir) afin de travailler avec Minnie sur son disque pour Epic Records. Stevie Wonder admire sa voix exceptionnelle et s’investit pleinement sur ce projet. Il produit bien-sûr mais il y joue aussi du piano, de la batterie, des percussions et de l’harmonica. Pour elle, il compose deux chansons « Take a little trip » et « Perfect angel » qui donne son titre à l’album. Les sept autres chansons sont composées par Minnie et son mari Richard. Le Record Plant Studio est alors occupé par John Lennon et Phil Spector (Studio A), Minnie Riperton et Stevie Wonder (Studio B) et Quincy Jones (Studio principal). Lorsque John Lennon et Harry Nilsson rendent visite à Stevie Wonder, ils restent muets devant la prestation de Minnie Riperton enregistrant « Reasons ».

Réalisé par le photographe Barry Feinstein, le visuel du disque choque : Minnie, large sourire, coupe « afro », y tient une glace à la vanille fondant sur ses doigts. L’allusion sexuelle est trop évidente. Sans doute pour cette raison, le disque, boycotté, peine dans un premier temps à décoller. Les deux premiers singles « Reasons » et « Seeing you this way », bien qu’excellents, n’obtiennent qu’un succès modeste. C’est seulement en janvier 1975, avec la sortie du troisième single – la magnifique ballade « Lovin’ you » – que les chiffres de ventes s’envolent jusqu’à la première place des classements. L’album « Perfect angel » établit alors Minnie Riperton comme une des chanteuses les plus en vue du moment. L’album suivant, « Adventures in paradise » en 1975, est aussi une réussite. Sur son visuel, Minnie pose à côté d’un lion (une archive vidéo, disponible sur Internet, révèle que cette séance photo aurait pu très mal se terminer).

Après la sortie de ce disque, on diagnostique à la chanteuse un cancer du sein à un stade très avancé ; deux jours seulement après cette annonce, elle est opérée en urgence. Ses enfants ont alors trois et sept ans, elle seulement vingt-neuf. Les médecins sont pessimistes, ils lui accordent à peine six mois.
Minnie Riperton révèle sa maladie et sa masectomie lors du Tonight Show, émission très populaire de télévision, le 24 août 1976. Elle déclare : « I had mastectomy just few months ago, I was recently a victim of cancer myself ». Elle est ensuite reçue à la Maison Blanche par le président Jimmy Carter et devient l’ambassadrice de la lutte contre le cancer dans le cadre du Society’s Awareness Program.

Elle trouve encore la force d’enregistrer deux albums : « Stay in love » en 1977 et « Minnie » en 1979 et meurt à trente-et-un ans, le 2 juillet 1979. En 1980, un disque posthume est réalisé, « Love lives forever », sur lequel on retrouve les participations de ses amis : Michael Jackson, George Benson, Roberta Flack et bien-sûr Stevie Wonder.

Sa musique, en solo ou avec le groupe Rotary Connection, est par la suite utilisée par des artistes de hip-hop : A Tribe Called Quest, The Roots, Arrested Development, Black Star… Ses chansons sont reprises par de nombreuses vedettes et fréquemment utilisées au cinéma. Son album « Perfect angel », entre rock et soul, est un des trésors cachés des années 1970 et « Lovin’ you » reste une des plus belles ballades de tous les temps. À la première, deuxième et troisième minute, on peut y entendre cette voix d’une pureté rare monter dans les aigus.

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