Découvrez la scène musicale girondine vue par les bibliothécaires musicaux !

La Gazette du Festival 33 TOUR – épisode #14 : Rencontre avec Jean-Luc Payssan du groupe Minimum Vital

Rencontre avec Jean-Luc Payssan, membre fondateur du groupe Minimum Vital en prélude au concert que le groupe donnera le vendredi 30 juin à 18h30 à la médiathèque La Source du Bouscat dans le cadre du festival 33 Tour.

Jean-Luc, vous êtes avec votre frère l’un des membres fondateurs du groupe Minimum Vital. Vous êtes musicien mais aussi bibliothécaire. Cela représente-t-il quelque chose de particulier de jouer dans une bibliothèque dans le cadre d’un festival qui met la musique à l’honneur dans les bibliothèques ?

Oui, c’est drôle car j’ai vraiment deux passions dans la vie : la musique et mon métier de bibliothécaire ! Les deux sont devenus aussi importants pour moi l’un que l’autre. Je crois avoir d’ailleurs tout fait dans ce métier que je pratique depuis plus de 30 ans (j’ai obtenu mon CAFB en 1990) : j’ai travaillé au sein de médiathèques diverses et variées (bibliothèques municipales, BU, Bibliothèque départementale de prêt, CDI de lycée…) et ce dans plusieurs secteurs (adultes, jeunesse). J’ai aussi été discothécaire, ce qui était naturel vu ma formation musicale. Actuellement je suis responsable du secteur BD et des littératures de l’Imaginaire à la Médiathèque du Bouscat, mais je continue à collaborer avec mes collègues du secteur image et son. Par ailleurs, le rock, la BD, les littératures de genre, la littérature jeunesse, au fond, c’est la même chose : c’est la culture sous toutes ses formes, populaire et savante, dans toute sa diversité. Je crois que c’est le plus beau métier du monde, car on peut y satisfaire ses passions, faire preuve de créativité, s’épanouir complètement, et tout cela au service du public ! Donc, oui, jouer dans le cadre de ce festival, c’est un bonheur et c’est tout à fait dans la logique de ce que je fais finalement au travail tous les jours, même si cette fois j’interviens en tant qu’artiste et non en tant que bibliothécaire. Je me demande d’ailleurs s’il n’y a pas au fond un artiste qui sommeille dans chaque bibliothécaire…

Minimum Vital fait partie de la scène musicale bordelaise depuis près de 40 ans. Vous en êtes l’un des plus remarquables représentants. Quelles évolutions les plus notables ont-elles marquées ces 40 dernières années selon vous (enregistrement, technique instrumentale, …) ?

Le trait le plus frappant, c’est évidemment l’évolution technologique et l’arrivée du numérique dans la musique, qui permet maintenant à bon nombre de musiciens d’enregistrer dans des conditions professionnelles sans se ruiner, grâce à l’ordinateur et aux home studios. Quand nous avons commencé, l’accès à un studio professionnel était presque inaccessible à cause du coût à la journée. C’était très difficile de faire un album sur Bordeaux, en 1984. Nous, nous avons eu la chance d’accéder au mythique studio Carat à cette époque, car nous avions gagné un tremplin rock qui nous a permis d’enregistrer notre premier album. Mais tout le monde n’avait pas cette chance et bon nombre de groupes débutants devaient se contenter au mieux d’enregistrer sur Revox 8 pistes. A Carat, on travaillait en 24 pistes analogiques, avec tout l’équipement nécessaire, ce n’était pas le même monde. Aujourd’hui, n’importe quel musicien peut faire des enregistrements de qualité, s’il a un peu d’oreille et de technique. L’autre évolution majeure, c’est l’incroyable élévation du niveau musical des musiciens de rock, dans tous les styles. Cela est sans doute dû à internet, les possibilités infinies d’apprentissage et de tutos sur la toile, la généralisation du jeu avec boîte à rythme… Aujourd’hui, peu de groupe sont médiocres techniquement, ou manquent de mise en place, c’est assez impressionnant. Pareil pour l’image : la démocratisation du matériel vidéo permet maintenant à de nombreux groupes de produire des clips parfois très créatifs. Il n’y qu’à regarder la diversité et la richesse des clips de la scène girondine qui passent dans l’émission « clips d’ici » (TV7) pour s’en convaincre.
Paradoxalement on entend hélas toujours autant de mochetés sur les ondes grand public, le pire étant sans doute le R’N’B qu’on entend sur FUN radio ou NRJ bourré d’auto-tune (auto-thune ?) et qui cible avant tout les jeunes.
Le problème n’a finalement pas changé depuis les années 80, il est toujours aussi difficile de faire entendre d’autres musiques plus exigeantes. C’est là queles bibliothèques musicales et les médiathèques ont un rôle à jouer, bien sûr…

L’étiquette de rock progressif vous convient-elle ?

Oui, tout à fait ! La preuve, c’est que même quand on essaie de faire partir notre musique dans une nouvelle direction, on nous compare éternellement aux grands noms du genre : “votre musique me rappelle YES, ou CAMEL, ou Mike OLFIELD”. Donc, rien à faire, notre ADN, nos racines, c’est bien le rock progressif des années 70, comme le blues, la salsa ou le funk pour d’autres… Mais ça ne nous interdit pas d’essayer sans cesse de faire évoluer notre musique et d’y intégrer d’autres influences…

Comment définiriez-vous votre musique ?

Du folk/rock/prog/médiéval avec beaucoup d’énergie positive !
Un auditeur à l’un de nos concerts me disait récemment, alors que nous cherchions quelle boisson alcoolisée conviendrait à l’image du groupe : “Vous, ça n’est pas un alcool fort, ni la bière, qui conviendrait mieux au rock. Ce serait plutôt du cidre ou de l’hypocras (alcool médiéval)”. Ça résume bien Minimum Vital je trouve!

Quelles sont vos influences musicales ?

Nous avons grandi, adolescent, avec tous les grands groupes de rock progressif anglais et français des années 70 : YES, GENESIS, KING CRIMSON, GENTLE GIANT, JETHRO TULL, ANGE, MAGMA… Il y a ensuite nettement des influences de musiques occidentales anciennes et traditionnelles : beaucoup de musique celtique, de danses anciennes et médiévales, voire baroques. Notre musique est en effet fondamentalement plus modale que tonale. C’est pourquoi nous apprécions aussi certaines musiques orientales, qui sont également des musiques modales, à consonances un peu “archaïques”. On trouve depuis quelques années de subtiles influences orientales et arabisantes dans notre musique. Il m’est d’ailleurs arrivé de jouer du oud dans certains albums de Minimum Vital.

Les artistes qui vous ont le plus impressionnés ?

C’est incontestablement YES, car nous avons toujours trouvé miraculeux que ce groupe ait réussi à créer une musique complexe qui reste belle et lumineuse (je parle uniquement de sa discographie des années 70, bien sûr). Pour moi YES c’est un peu une grande cathédrale qui serait en lévitation… le groupe de Christian Vander a été aussi une révélation. Je vais d’ailleurs toujours voir MAGMA en concert quand j’en ai l’occasion. Pour les artistes plus récents, je dirais KING GIZZARD AND THE LIZARD WIZARD, un groupe australien néo psychédélique absolument incroyable.

De quel album êtes-vous le plus fier ou le plus en phase parmi votre riche discographie ?

Dans notre première période, très instrumentale et teintée de jazz-rock fusion, je dirais l’album « Sarabandes », le premier sorti sous format CD en 1990. Il est devenu très vite culte dans le milieu, l’album était même connu de fans américains qui nous le citaient volontiers en référence lorsque nous sommes allés jouer aux Etats-Unis, bien plus tard. L’équipe était composée de 4 musiciens, avec notre batteur d’origine (Christophe Godet) et nous étions vraiment en osmose au moment de sa réalisation. C’est aussi le premier dont nous étions vraiment satisfaits au niveau de l’enregistrement et du mixage, assuré par l’ingénieur du son de Studio System, près de Périgueux.

Le deuxième est « Esprit d’Amor » (1997), sans doute le plus accessible et le mieux produit. Le groupe était alors dans sa deuxième période, plus tournée vers une « pop progressive » vocale, et nous avions à l’époque deux excellents chanteurs : Sonia Nedelec et Jean-Baptiste Ferracci. Je trouve que cet album est vraiment une réussite en matière de compositions et d’équilibre. La musique se voulait aussi exigeante que d’habitude mais nous voulions également qu’elle se fredonne, qu’elle se retienne, qu’elle coule de source, tout en refusant toute compromission commerciale. C’est l’album le plus généreux du groupe. J’ajoute que j’aime aussi beaucoup le dernier en date, « Air Caravan » (2020), car il est en quelque sorte une synthèse de tout cela…

Quels sont les 10 titres de la bande-son de votre vie ?

 

A visionner aussi sur YouTubeMusic

Titre 1 : BEATLES / Tomorrow Never Knows / album « Revolver » (1966)
Titre 2 : GENESIS / The Knife /album « Trespass » (1970)
Titre 3 : ALAN STIVEL / album « Tri Martolod » (1973)
Titre 4 : YES / Sound Chaser / album « Relayer » (1974)
Titre 5 : GENTLE GIANT / On Réflexion / album « Free hand » (1975)
Titre 6 : DAVID BOWIE / Warzawa / album « Low » (1977)
Titre 7 : MAGMA / La Dawotsin / album « Rétrospective » (1980)
Titre 8 : CLAUDIO MONTEVERDI / Il Ballo delle Ingrate – ouverture / album « IlBallo delle Ingrate ; William Christie et Les Arts Florissants » (1984)
Titre 9 : JEFF BUCKLEY / Eternal Life / album « Grace » (1994)
Titre 10 : King Gizzard And The Lizard Wizard / The Fourth Colour / album « Polygondwanaland » (2017)